l'image de la cité ...
« Structurer et identifier
son milieu est une faculté vitale chez tous les animaux. Toutes sortes
d’indications sont utilisées : les impressions visuelles de couleur, de
forme, de mouvement, ou de polarisation de la lumière, aussi bien que d’autres
sensations telles que l’odeur, le son, le toucher, la kinesthésie, la
sensibilité à la pesanteur et peut être aux champs magnétiques et électriques.
[…]
Bien qu’il reste quelques
phénomènes troublants, il semble aujourd’hui improbable que le fait de trouver
son chemin soit dû à un quelconque « instinct » magique. Il s’agit
plutôt d’une utilisation et d’une organisation logique des indications
sensorielles fournies par l’environnement extérieur.
[…]
S’égarer complètement est
peut-être une expérience assez rare pour la plupart des gens dans la ville
moderne. Nous sommes soutenus par la présence des autres et par les moyens
particuliers de trouver notre chemin : cartes, numérotation des rues,
signalisation routière, écriteaux des autobus. Mais s’il arrive, par malheur,
que nous soyons désorientés, la sensation d’anxiété et même de terreur qui
accompagne cette perte de l’orientation nous révèle à quel point en dépendent
nos sentiments d’équilibre et de bien-être. Le mot même de « perdu »
signifie, dans notre langue, bien autre chose qu’une simple incertitude
géographique : il comporte un arrière goût de désastre complet.
Dans l’opération qui consiste à
trouver son chemin, la maillon stratégique est l’image de l’environnement, la
représentation mentale généralisée qu’un individu se fait du monde physique
extérieur. Cette image est produite à la fois par les sensations immédiates et
par le souvenir de l’expérience passée, et elle sert à interpréter
l’information et à guider l’action. Le besoin de reconnaître et de rattacher à
un modèle ce qui nous entoure est si crucial, et plonge si profondément ses
racines dans le passé, que l’importance, pratique et émotive, de cette image
pour l’individu est immense.
Il tombe sous le sens qu’une image qu’une image
claire permet de se déplacer avec facilité et rapidité ; de trouver la
maison d’un ami, d’un agent de police ou une mercerie. Mais un environnement en
ordre peut faire plus que cela : il peut servir de vaste trame de
référence, organisant les activités, les croyances ou les connaissances. […]
Comme n’importe quelle bonne ossature, une telle structure donne à l’individu
une possibilité de choix et un point de départ, pour l’acquisition d’une
information ultérieure. Une image claire de l’environnement sert ainsi de base
au développement individuel. »
- K. Lynch dans L’image de la cité.
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